Canto General Los Libertadores

mercredi 14 novembre 2018

Canto Général est un recueil de poèmes, une vaste fresque sur l’histoire et les peuples d’Amérique latine. « Dans ces 231 poèmes, écrits entre 1938 et 1950, Pablo Neruda fait entendre son cri de révolte dans le monde entier. Plus tard, dans les années 1970, Mikis Théodorakis en a mis en musique plusieurs pour en faire un oratorio.

Canto General

Los libertadores



Aquí viene el árbol, el árbol
de la tormenta, el árbol del pueblo.
De la tierra suben sus héroes
como las hojas por la savia,
y el viento estrella los follajes
de muchedumbre rumorosa,
hasta que cae la semilla
del pan otra vez a la tierra.
Aquí viene el árbol, el árbol
nutrido por muertos desnudos,
muertos azotados y heridos,
muertos de rostros imposibles,
empalados sobre una lanza,
desmenuzados en la hoguera,
decapitados por el hacha,
descuartizados a caballo,
crucificados en la iglesia.
Aquí viene el árbol, el árbol
cuyas raíces están vivas,
sacó salitre del martirio,
sus raíces comieron sangre
y extrajo lágrimas del suelo
las elevó por sus ramajes,
las repartió en su arquitectura.
Fueron flores invisibles,
a veces, flores enterradas,
otras veces iluminaron
sus pétalos, como planetas.
Y el hombre recogió en las ramas
las corolas endurecidas,
las entregó de mano en mano
como magnolias o granadas
y de pronto, abrieron la tierra,
crecieron hasta las estrellas.
Éste es el árbol de los libres.
El árbol tierra, el árbol nube,
el árbol pan, el árbol flecha,
el árbol puño, el árbol fuego.
Lo ahoga el agua tormentosa
de nuestra época nocturna,
pero su mástil balancea
el ruedo de su poderío.
Otras veces, de nuevo caen
las ramas rotas por la cólera
y una ceniza amenazante
cubre su antigua majestad
así pasó desde otros tiempos,
así salió de la agonía
hasta que una mano secreta,
unos brazos innumerables,
el pueblo, guardó los fragmentos,
escondió troncos invariables,
y sus labios eran las hojas
del inmenso árbol repartido,
diseminado en todas partes,
caminando con sus raíces.
Éste es el árbol, el árbol
del pueblo, de todos los pueblos
de la libertad, de la lucha.
Asómate a su cabellera
toca sus rayos renovados
hunde la mano en las usinas
donde su fruto palpitante
propaga su luz cada día.
Levanta esta tierra en tus manos,
participa de este esplendor,
toma tu pan y tu manzana,
tu corazón y tu caballo
y monta guardia en la frontera,
en el límite de sus hojas.
Defiende el fin de sus corolas,
comparte las noches hostiles,
vigila el ciclo de la aurora,
respira la altura estrellada,
sosteniendo el árbol, el árbol
que crece en medio de la tierra.

Les libérateurs



Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
de l’orage, l’arbre du peuple.
Ses héros montent de la terre
les branches qui tombent à nouveau
comme les feuilles par la sève,
et le vent casse les feuillages de la multitude grondante,
alors la semence du pain
retombe enfin dans le sillon.
Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
nourri par des cadavres nus,
des morts fouettés et estropiés,
des morts aux visages troublants,
empalés au bout d’une lance,
recroquevillés dans les flammes,
décapités à coups de hache,
écartelés par les chevaux
ou crucifiés dans les églises.
Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
dont les racines sont vivantes,
il a pris l’engrais du martyre,
ses racines ont bu du sang,
au sol il a puisé des larmes
qui par ses branches sont montées
parsemant son architecture.
Elles furent fleurs, quelquefois
invisibles, fleurs enterrées,
d’autres fois elles allumèrent
leurs pétales, comme des planètes.
Et l’homme cueillit sur les branches
les corolles aux parois durcies,
il les tendit de main en main
tels des magnolias, des grenades,
et brusquement, ouvrant la terre,
elles grandirent jusqu’au ciel.
C’est lui, l’arbre des hommes libres
L’arbre terre, l’arbre nuage.
L’arbre pain, l’arbre sarbacane,
l’arbre poing, l’arbre feu ardent.
Inondé par l’eau tempétueuse
de notre époque de ténèbres,
son mât décrit dans le roulis
les arènes de sa puissance.
D’autres fois la colère brise
les branches qui tombent à nouveau
et une cendre menaçante
couvre sa vieille majesté
ainsi franchit-il d’autres temps
et sortit-il de l’agonie,
jusqu’au moment où une main secrète,
des bras innombrables,
le peuple, en garda les fragments
et cacha des troncs immuables.
Ses lèvres étaient alors les feuilles
de l’immense arbre réparti,
disséminé de tous côtés,
qui marchait avec ses racines.
Voici venir l’arbre, c’est lui
l’arbre du peuple, tous les peuples
de la liberté, de la lutte.
Montre-toi dans sa chevelure
palpe ses rayons restitués
plonge la main dans les usines,
là même où son fruit palpitant
chaque jour répand sa lumière.
Lève dans tes mains cette terre,
unis-toi à cette splendeur,
emporte ton pain et ta pomme,
ton coeur aussi et ton cheval
et monte la garde aux frontières
aux confins de sa frondaison.
Défends le but de ses corolles,
partage les nuits ennemies
veillant au cycle de l’aurore,
respire la cime étoilée,
en protégeant l’arbre, cet arbre
qui pousse au milieu de la terre.